Agile ou Waterfall. C’est un peu le Godzilla vs Kong, la pilule rouge ou la pilule bleue, de la gestion de projet. Dans un univers perçu comme binaire, où Agile et Cycle en V (ainsi que leurs déclinaisons telles que RAD, Lean, Prince2, et autres) dominent le débat, une question se pose : cette dichotomie est-elle vraiment suffisante pour couvrir la diversité et la complexité des projets actuels ?
Peut-être que le temps est venu de repenser les cadres dans lesquels nous enfermons nos méthodologies de travail et d’admettre qu’une méthodologie ne suffit pas.
Si le cycle en V, aussi connu sous le nom de Waterfall, était majoritairement utilisé avant 2000, depuis près de 25 ans c’est l’Agile qui règne en maitre sur le monde de l’IT. Selon un sondage de stateofagile.com, 85% des répondants utilisent la méthodologie agile au quotidien.
Néanmoins, l’agilité n’a en réalité que peu évolué depuis sa naissance. Comme évoqué dans notre réflexion sur “La Fin de l’Agile”, il est temps de procéder à une rétrospective critique de l’agile, en veillant à ne pas tomber dans un dogmatisme qui irait à l’encontre de son principe fondamental : l’adaptabilité.
C’est dans cette perspective que nous vous proposons de découvrir cinq méthodes alternatives, offrant une nouvelle manière d’aborder le travail et la réalisation des objectifs de vos équipes.
Chez Amazon, on commence par la fin. La méthode “Working Backwards” consiste à démarrer le projet par la rédaction d’un communiqué de presse fictif et une FAQ détaillés avant même que le développement ne commence. Cette méthode assure que le produit fini résonne véritablement avec les besoins des utilisateurs et s’inscrit parfaitement dans les ambitions de l’entreprise.
Comme le souligne Amazon: « Si le produit n’offre pas une amélioration significative – plus rapide, plus simple, moins coûteux – ou une transformation de l’expérience client, alors il ne mérite pas d’être développé. ». Cet ethos est le reflet d’une philosophie partagée avec l’Outcome-Driven Innovation (ODI), prônant une immersion profonde dans les attentes client pour guider l’innovation.
Le succès d’Amazon parle de lui-même, et on peut penser pour cette méthode à la création de la Kindle mais aussi à d’autres entreprises et outils tels que Slack et Canva.
La méthode “Working Backwards” est particulièrement adaptée aux projets qui visent à introduire des innovations significatives sur le marché. Elle convient aux équipes qui cherchent à se différencier par une compréhension profonde du client et à créer des produits avec un fort impact utilisateur.
La méthode OKR (Objectives-Key Results), éprouvée au fil des années par de nombreuses entreprises de la Silicon Valley, doit sa conception au Dr Andy Grove lorsqu’il était à la tête d’Intel. Inspiré par les travaux pionniers de Peter Drucker sur le management par objectifs dans les années 50, cette méthode se fonde sur la définition claire d’objectifs ambitieux et la mesure précise des résultats clés (KPI).
Elle se distingue des approches traditionnelles par sa capacité à libérer la créativité et à stimuler la motivation intrinsèque des équipes, en les encourageant à atteindre les objectifs fixés à leur manière, plutôt que de s’appuyer sur un suivi hiérarchique strict ou un micro-management oppressant. Cette philosophie de gestion vise à engager pleinement les employés dans la poursuite d’objectifs bien définis, ce qui, selon l’institut Workforce Intelligence, contribue significativement à l’amélioration des performances financières des entreprises.
Selon John Doerr, un des premiers investisseurs de Google et fervent promoteur des OKR, cette méthode à cinq super pouvoirs :
Ces avantages, résumés par l’acronyme FACTS (Focus, Alignment, Commitment, Tracking, Stretching), soulignent l’impact positif des OKR sur l’organisation.
Les OKR sont universels, s’adaptant aussi bien aux grandes entreprises qu’aux petites structures et start-ups. Leur succès chez Intel, Google, et au sein de nombreuses jeunes entreprises témoigne de leur flexibilité.
Pour approfondir l’utilisation des OKR et leur intégration stratégique, des plateformes innovantes et collaboratives telles que Klapoti offrent des outils adaptés. Ces solutions modernisent l’application des OKR en facilitant la déclinaison des stratégies d’entreprise et en renforçant l’engagement des équipes vers des objectifs communs.
Confrontée aux limites des méthodes traditionnelles de test en IT, souvent reléguées en fin de cycle de développement et source de retards coûteux, l’entreprise française Autoconcept propose l’approche Test-Foresight.
Cette méthode préconise une démarche anticipative, où les tests sont réalisés avant même le début du développement, s’attaquant ainsi directement aux écarts fréquents entre les besoins initiaux et les résultats finaux.
Au cœur de cette approche, l’IA joue un rôle clé. Dès la phase initiale du projet, les besoins exprimés en langage naturel sont convertis par l’IA en un modèle de données. Ce dernier sert ensuite de fondement à la création automatique d’un draft initial de spécifications, d’interface utilisateur (UX), de cas de test, et de jeux de données. Ce processus permet une visualisation et un test immédiats des besoins, réduisant significativement les cycles de révision nécessaires.
Comme nous le voyons dans cet article, l’IA peut effectivement aider profondément les products owner et business analystes.
L’approche Test-Foresight d’Autoconcept s’adapte parfaitement à tout projet IT aspirant à une mise en œuvre efficace et une qualité optimale, en particulier ceux sujets à des changements fréquents de besoins ou à des délais serrés. Elle offre une solution pour les équipes cherchant à optimiser leur processus de développement tout en minimisant les risques d’écarts par rapport aux exigences initiales.
L’absence de vision commune et d’alignement au sein des équipes constitue fréquemment un obstacle à la bonne réalisation des projets. La méthode V2MOM, développée par Marc Benioff, fondateur de Salesforce, se concentre sur cette problématique et met l’alignement au cœur de la gestion des projets. Adopter le V2MOM conduit à explorer cinq aspects fondamentaux :
La force de V2MOM réside dans sa simplicité, facilitant son déploiement à tous les niveaux de l’organisation.Comme l’explique Salesforce, une fois le V2MOM de l’entreprise établi, il se décline aux différents niveaux : fonctions, équipes, et individus. Chaque employé, doté de son propre V2MOM, saisit comment son rôle et ses objectifs personnels s’insèrent dans le succès global de l’entreprise, c’est l’essence de l’alignement. Cette transparence est renforcée par la capacité de chaque employé à consulter le V2MOM de ses collègues et responsables en quelques clics.
Le V2MOM est particulièrement adapté aux entreprises déterminées à aligner leurs efforts et à prioriser la transparence. Cet outil stratégique se révèle efficace tant pour l’orientation globale de l’entreprise que pour des projets spécifiques, en assurant que chaque action contribue à la vision et aux valeurs de l’organisation.
La Méthode de la Chaîne Critique (Critical Chain Project Management, CCPM) est une version updatée de CPM, qui en plus des dépendances de tâches détermine aussi celles entre ressources.
Boeing, Procter & Gamble, Embraer Lilly, NASA, Medtronic, US Air Force, Siemens, Louis Vuitton, Mazda … De nombreuses entreprises ont intégré cette méthode pour renforcer l’efficacité de leurs projets.
La CCPM se distingue par son focus sur l’identification et la gestion de la “chaîne critique”, c’est-à-dire le chemin le plus long à travers les tâches dépendantes du projet, tout en tenant compte des ressources. En réduisant les marges de sécurité traditionnellement ajoutées à chaque tâche, la CCPM concentre ces marges en un tampon global de projet, optimisant ainsi les délais et les ressources.
La méthode est particulièrement adaptée aux environnements où la précision des délais et l’efficacité des ressources sont critiques. Même si une multitude de projets peuvent tirer profit de la CCPM, elle offre des avantages particuliers aux projets complexes, sujets à des retards fréquents, ou nécessitant une coordination étroite des ressources.
Dans le vaste univers de la gestion de projet, la quête de la méthode parfaite semble être une Odyssée sans fin. Les principes agiles, malgré leurs intentions louables, peuvent parfois se transformer en religion rigide, se perdant dans un formalisme qui éclipse l’essence même de la créativité et de l’efficacité.
L’idée qu’une seule méthode puisse convenir à tous les projets semble être un mythe. La diversité des défis, des technologies et des équipes implique qu’une approche uniformisée est non seulement impraticable, mais peut s’avérer contre-productive. Il est essentiel de reconnaître que derrière chaque projet se trouvent des individus aux compétences et expériences variées, capables de surmonter les complexités de leur travail sans avoir systématiquement recours à une boîte à outils préconçue.
L’approche idéale varie selon le contexte : que ce soit l’Agile, le cycle en V ou les stratégie présentées dans cet article, elles conviendront particulièrement à certains cas et moins à d’autres. Plutôt que de se fixer sur une approche, il semble qu’il faut choisir la méthode ad hoc. Celle adaptée au projet, ses objectifs, ses contraintes et son équipe.